Embriagaos / Enivrez-vous - Charles Baudelaire (Traducción de Margarita Michelena)

XXXIII
Enivrez-vous / Embriagaos

Il faut être toujours ivre. Tout est là : c’est l’unique question. Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.

Mais de quoi? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous.

Et si quelquefois, sur les marches d’un palais, sur l’herbe verte d’un fossé, dans la solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez, l’ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l’étoile, à l’oiseau, à l’horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est ; et le vent, la vague, l’étoile, l’oiseau, l’horloge, vous répondront : « Il est l’heure de s’enivrer! Pour n’être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous ; enivrez-vous sans cesse! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. »


Hay que estar siempre ebrio. Todo está allí: es la única cuestión. Para no sentir el horrible fardo del Tiempo, que rompe vuestros hombros y os inclina hacia la tierra, hay que embriagarse sin cesar.

¿Pero de qué? De vino, de poesía o de virtud, Pero embriagaos.

Y si alguna vez, sobre las gradas de un palacio, sobre la hierba verde de un foso, en la soledad melancólica de vuestra alcoba, os despertáis, la embriaguez ya atenuada o desaparecida, pedid al viento, a la ola, a la estrella, al pájaro, al reloj y a todo lo que huye, a todo lo que gime, a todo lo que rueda, a todo lo que canta, a todo lo que habla, preguntadle qué hora es; y el viento, la ola, la estrella, el pájaro y el reloj os responderán: "¡Es la hora de embriagarse! Para no ser los esclavos martirizados del Tiempo, embriagaos, ¡Embriagaos sin cesar!. De vino, de poesía o de virtud, a vuestra guisa".

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Charles Baudelaire (Traducción de Margarita Michelena)
Poema XXXIII
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